L’ERRANCE MÉDICALE DES FEMMES MÉNOPAUSÉES, UN ENJEU DE SANTÉ PUBLIQUE

Pr Florence Trémollieres
Pr Florence Trémollieres

La ménopause marque une nouvelle étape dans la vie des femmes. Cette période caractérisée par l’arrêt du fonctionnement des ovaires est peu prise en compte par la médecine. La professeure Florence Trémollières, gynécologue à l’hôpital Paule de Viguier de Toulouse alerte sur la nécessité d’un bilan de santé.

Pourquoi cette période de la vie est stigmatisée ?

En raison de la perte de la fertilité. Ce qui est très propre à nos sociétés occidentales, puisque dans certaines sociétés, l’entrée en ménopause des femmes, notamment dans certaines tribus africaines est au contraire valorisée. Ce sont des sociétés très matriarcales.

C’est un non sens aujourd’hui au regard de la longévité de la vie ?

C’était valable quand l’espérance de vie était de cinq ans après la ménopause. Actuellement avec l’augmentation de l’espérance de vie, une femme va passer un tiers de sa vie dans une situation de ménopause. Et il n’est pas question de dire que pour un tiers de sa vie elle est périmée ! Et cette étape n’était donc pas valorisée du tout et marquait déjà. L’amélioration des conditions socio-économiques etla vie professionnelle des femmes font qu’on n’est plus vieux à 50 ans. Mais les mentalités n’ont pas du tout changé.

Mais derrière ces représentations il y a des enjeux de bien-être et surtout de santé pour les femmes ?

Chez certaines femmes, la carence œstrogénique qui est l’une des conséquences de l’arrêt du fonctionnement ovarien va faciliter l’émergence de pathologies qui sont déjà des pathologies qui vont augmenter avec l’âge. Cela concerne celles qui ont des facteurs de risques sur le plan cardio-vasculaire, une prédisposition génétique aux maladie cardio-vasculaire, ou à l’ostéoporose. Si vous débutez votre ménopause avec déjà un risque plus élevé que la normal par rapport à ces risques, vous allez rentrer beaucoup plus tôt dans la pathologie.

Entendez vous aussi ce discours qui dit que comme c’est un phénomène naturel on n’a pas besoin de consulter ?

Oui c’est un phénomène naturel et physiologique, je n’aime pas le terme naturel je préfère le terme physiologique car c’est dans la logique de la vie des individus. Sauf que chez certaines femmes, et tout le dilemme est là, la carence œstrogénique va favoriser l’émergence de certaines pathologies. Il n’est pas du tout question de faire de la ménopause une maladie, par contre d’identifier les femmes chez qui la ménopause va faciliter l’émergence de maladies.

Il faut donc que les femmes consultent ?

Je suis prosélyte à cet égard depuis 40 ans. Il faudrait voir cette nouvelle étape dans la vie des femmes comme le prétexte à remettre un certain nombre de choses à plat en terme d’hygiène de vie d’une part et d’autres part d’identifier les facteurs de risques dont on sait que la majorité d’entre eux est aggravée par la carence hormonal.

La consultation gratuite de 45 ans qui a été plus ou moins définie par les agences gouvernementales, même si je suis pas très convaincue qu’elle va être mise en place dans les faits, reprend un peu cette idée là. Cela peut être une étape de plusieurs consultations et évaluations.

Vous ne pensez pas que cette consultation de 45 ans va voir le jour ?

C’est un effet d’annonce et ça ne va toucher que celles qui de toute façon consultent déjà. Une consultation de ce type c’est 45 minutes. Inenvisageable dans le contexte d’une consultation d’un médecin généraliste à 25€.

Et en parlant des médecins généralistes, sont-ils suffisamment formés au sujet de la ménopause ?

C’est la deuxième problématique. Depuis 20 ans, depuis la publication de l’étude WHI, (totalement remise en cause depuis. lors), la Haute Autorité de Santé s’est contentée de faire des recommandations juste pour dire que le traitement pouvait continuer à être remboursé. Tous les enseignants de médecine générale basent leur enseignement de manière très autocratique et ne font jamais appel aux spécialistes pour aborder certains pans de l’enseignement. Ils ne fonctionnent qu’au travers des recommandations de l’HAS. À partir de là, ils n’enseignent plus. Les médecin généralistes sont très jaloux de leurs prérogatives et de ce fait ne font jamais appelle à nous.

Que font les femmes alors ?

Elles ont des errances médicales de trois à quatre ans ! Personne n’est capable de leur expliquer pourquoi elles ne dorment pas la nuit, ou pourquoi elles ont mal à leurs articulations. Les médecins multiplient les bilans pour rechercher des rhumatismes inflammatoires qu’on ne trouve jamais. Les médecins s’en sortent en donnant un antidépresseur ou un anxiolytique. Sans être capable de leur expliquer pourquoi elles ont ses symptômes.

Oui la médecine est à quatre ou cinq vitesses. Vous avez une petite minorité très proche du milieu médical, qui est très éduquée sociaux économiquement et qui sait s’adresser aux bonnes personnes et après vous avez la grande masse des femmes qui est complètement perdue. Et avec en plus la problématique des déserts médicaux.

Quel accompagnement thérapeutique proposé ?

Le traitement hormonal a de l’intérêt au début de ménopause, c’est un traitement de prévention qui va répondre aux demandes des femmes qui sont gênées. Ce n’est pas la peine d’attendre d’avoir des bouffées de chaleur pendant cinq ans pour s’en préoccuper. Il y a des patientes qui viennent me voir et ça fait huit ans qu’elle sont ménopausée, huit ans qu’elles ont des bouffées de chaleur ! Elles pensent que ça va passer et personne ne leur explique que donc dans un nombre de cas non négligeable ça peut durer pendant 20 ans. Pendant cette période vous n’avez pas été traité, votre organisme a vieilli, vous avez développé entre-temps une artérose sclérose par exemple, on ne va plus pouvoir vous donner le traitement hormonal.

Dans l’idéal pour répondre à la problématique du confort des femmes dans une véritable stratégie de prévention primaire des risques cardio-vasculaires et des risques d’ostéoporose il faut essayer de bloquer le plus tôt possible les effets négatifs de la carence œstrogénique dans les deux à cinq premières années de la ménopause.

Trois ou quatre conseils à donner aux femmes qui abordent cette période

Remettre les choses à plat en terme d’hygiène de vie, c’est très important déjà, arrêter de fumer, faire de l’exercice physique, aller marcher une heure par jour, Ça ne coûte rien d’aller marcher au moins quatre fois par semaine. Vous pouvez le faire en deux fois. Essayer ensuite de supprimer tout ce qui est sucre et le gras. Et puis après consulter. Faire un bilan de santé qui est super simple à faire. Les médecins généralistes devraient être en première ligne pour le faire.

Est-ce que vous êtes entendue aujourd’hui ?

Non pas du tout. Ma consultation est submergée. Je pourrais tripler, quadrupler le nombre de praticiens on aurait encore des rendez-vous à six mois. Des femmes n’hésitent pas à faire 3 ou 4 heures de route pour venir me voir en consultation. Je ne suis pas du tout dans la démarche de dire qu’il faut traiter tout le monde, si on n’en est là c’est parce qu’on a voulu faire de la ménopause une maladie qu’il fallait donc donner le traitement hormonal pour la simple raison de la ménopause. On en est plus du tout là. Si une femme débute sa ménopause avec 90 ou 95 % de chances de ne développer ni de maladie cardio-vasculaire ni de l’ostéoporose dans les 15 à 20 ans qui suivent et qu’elle est très contente avec de la poudre de perlimpinpin pour régler ses bouffées de chaleur je lui ai dit Madame continuez !

Chaque Femme à son propre traitement hormonal quand elles en ont besoin. Chaque femme a sa problématique particulière.

Comments · 1

  1. Mais je partage tellement l’avis de cette femme. On tend à diaboliser le THM dans sa globalité alors qu’il s’agit à mon sens avant tout d’un équilibre bénéfice/risque.
    Et même quand on en bénéficie de ce traitement, on ne nous explique pas grand chose…

Laisser un commentaire

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.