AVEC LE THEATRE EN ENTREPRISE BLANDINE METAYER INTERROGE LA PLACE DES FEMMES DANS LE MONDE DU TRAVAIL

Blandine Metayer
Blandine Metayer

Auteure, comédienne et formatrice Blandine Métayer prend le pouls de la place des femmes dans la société. Marraine du premier plan interministériel en faveur de l’égalité professionnelle, elle s’est emparée du monde du travail. Avec sa société « Changement de décor », elle réalise des spectacles en entreprise pour délivrer des messages sur-mesure. Le parcours et la lutte des femmes inspirent de nombreuses scènes. « Aujourd’hui je suis moins dans la reconnaissance et plus dans la transmission ». Après avoir co-écrit et joué seule en scène, « Célibattante », « son premier spectacle féministe » en trois actes, elle récidive avec « Je suis top » en 2010. Une plongée dans la vie quotidienne d’une femme au sommet de sa carrière. Un divertissement sociologique construit sur de longues interviews de femmes de toute génération. « Pour montrer la difficulté de percer le plafond de verre, il fallait que je m’appuie sur de vrais parcours ». Ce qu’elle construit avec la collaboration de la sociologue du Laboratoire Georges Friedmann, Cécile Ferro, spécialiste du monde du travail. Consternée par la force des témoignages recueillis, Blandine Métayer prolonge sa quête avec « Les perles du sexisme ». Un florilège de phrases misogynes qui n’épargnent aucun milieu professionnel. Rencontre.

 

Votre famille était un modèle qui a inspiré votre engagement féministe ?

Ma mère et mon père ont toujours été très égalitaires. A ma naissance, ma mère a été malade après l’accouchement. C’est mon père qui s’est occupé de moi les trois premiers mois. Dans les années 60 il poussait le landeau ! Ca vient d’une éducation familiale. Mon grand-père était le dernier d’une fratrie de 3 garçons. Mon arrière grand-mère était directrice d’école. Elle avait dit à ses trois garçons, « moi je bosse donc vous faites tout à la maison ». C’étaient des hommes qui savaient tout faire. Mon grand-père m’a appris à faire de la pâtisserie. Mon père a été élevé avec l’image de son père faisant les tâches ménagères. Ca ne leur enlevait aucunement leur virilité. J’ai des souvenirs d’enfance formidables. Papa était instit de classe unique au début de sa carrière. On habitait à 10 km d’Etretat, à la campagne et je n’avais qu’à pousser la porte de la cuisine pour être dans la salle de classe. On jouait tous ensemble, garçons et filles. Mon grand-père maternel était corse. C’était pas pareil ! Alors que c’était la même génération. Les premières fois où j’ai été face au sexisme je n’ai pas compris.

Qu’est-ce qui a déclenché votre intérêt pour le monde de l’entreprise ?

Un peu le hasard. J’étais sur une grosse série à la fin des années 80. j’avais signé pour 130 épisodes pour France 3. On en avait fait une quinzaine. Mais les équipes de diffusion ont changé et le contrat à été cassé. J’étais partie pour deux ans comme actrice principale et auteure. Une de mes amies qui bossait dans une grosse agence m’a proposé de remplacer l’auteur principal. Sur le ton de la comédie je devais faire passer des messages. Ensuite j’ai rencontré David Riquet avec qui on a monté Changement de décor à la fin des années 90. On l’a développé avec des copains comédiens, et des amis scénaristes. Des professionnels qui viennent écrire un spectacle sur mesure pour une communication spécifique en entreprise quand ils sont libres. Ce qui est intéressant c’est d’amener une vision d’artiste sur des problématiques d’entreprise que je connais bien maintenant.

Ces interventions dans le monde de l’entreprise sont à la source de votre second spectacle ?

Après Célibattante  je cherchais un sujet fort. Je voulais prendre mon temps. J’avais l’idée sous les yeux depuis des années. Tout s’est dessiné en un week-end. J’ai écrit « Je suis top » l’histoire d’une femme qui parvenue au sommet de sa carrière raconte par où elle est passée sur plan professionnel et personnel. Une fois la structure écrite, il me fallait de la matière vivante, du vécu. J’ai appelé des femmes top manager. Quand je leur ai exposé mon projet, elles m’ont dit tu vas toutes nous représenter ! J’en ai interviewé une quarantaine de femmes de 25 à 60 ans avec des expériences très différentes, tous secteurs d’activités confondues. Industrie, labo, grande distribution…

Ce souci de véracité donne une crédibilité incontestable à votre message ?

Oui. J’ai aussi beaucoup échangé avec Brigitte Gresy, Secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. (auteure de nombreux rapports sur l’égalité professionnelle (2009), la parentalité (2011) et sur l’égalité entre filles et garçons dans les structures d’accueil de la petite enfance (2013) en sa qualité d’inspectrice générale des Affaires sociales, ou sur l’image des femmes dans les médias et les expertes (2008 et 2011). Auteur de « petit traité contre le sexisme ordinaire »). Par ailleurs, … Dans le cadre de la campagne #SexismePasNotreGenre, je suis marraine d’une association qui est une initiative labellisée ! J’ai choisi Femmes pour le Dire Femmes pour Agir, qui vient en aide aux femmes handicapées victimes de violence et de harcèlement.

Quel est le point commun de tous les témoignages recueillis ?

Ce qui est commun, c’est qu’elles doivent toujours plus prouver que les hommes. La plupart du temps elles sont archi compétentes car elles ont du tellement cravacher pour être là ! On en est pas encore à la phrase de Françoise Giroud qui disait que l’égalité sera réelle le jour où on nommera une femme incompétente à un poste clé. Ensuite, j’ai constaté que beaucoup de femmes à des hauts postes étaient divorcées. Le conjoint ne l’avait pas supporté. Dans certains cas extrêmes, il y avait des faits de violence graves.

Alors aucune évolution depuis l’écriture de ce spectacle ?

Après avoir joué pendant 4 ans au théâtre, j’ai réduit le format de 1h 10 à 35 minutes pour qu’on puisse le jouer en entreprise et débattre après. On constate que les entreprises ont fait des efforts. Par exemple, pour les femmes qui reviennent de congé maternité, il y a un management qui prend en compte les temps de vie, mais le problème c’est que les mentalités n’évoluent pas ou très peu. Cependant, chez les dirigeants, il y en a pas mal qui ont pris conscience que briser le plafond de verre était un facteur de performance. C’est pas totalement désintéressé. Il y a des entreprises où les réseaux féminins sont financés par la hiérarchie masculine.

Maintenant que votre héroïne de « Je suis top »  a atteint le sommet de sa carrière, comment va-t-elle évoluer ?

je me suis demandée ce que mon personnage pouvait faire d’autre. Et bien elle va faire de la politique ! Je suis en cours d’écriture.

Vous avez rencontré des politiques ?

Oui.  « Je suis top  » a été soutenu par le ministère du droit des femmes. Pas mal de femmes politiques m’ont présenté des copines, des députées, des sénatrices, des élus locales, entre autre l’association Femmes & Pouvoir. Elles savent comment je travaille. Elles me font confiance. Elles m’ont confié des choses intimes.

Le comportement des hommes est-il pire qu’au sein de l’entreprise ?

Ils sont odieux. J’ai interviewé une très jolie députée dans son bureau à l’Assemblée. Elle est obligée de venir en col roulé. Elle a une jolie poitrine et si elle met un corsage, elle ne peut pas monter à la tribune. Les assistantes parlementaires ne se mettent pas en jupe, ils ne savent pas se tenir ! Ils leur mettent la main aux fesses ! Après l’interview je redescend avec l’assistante parlementaire dans l’ascenseur. Il s’ouvre et là il y a deux députés. Un quadra et un quinqua. et ça a donné « Ah mesdemoiselles, vous partez déjà, vous ne voulez pas allez prendre un verre ?» On a éclaté de rire. On venait d’en parler pendant deux heures. On se rappelle d’Hugues Foucault, élu à l’assemblée qui twitte « Najat Vallaud Belkacem suce son stylo très érotiquement » !

 

capture d'écran Twitter
capture d’écran Twitter

 

 

 

 

 

 

 

Ce trop plein de misogynie a déclenché l’écriture des « perles du sexisme » ?

J’ai compilé des phrases que des spectatrices me racontent depuis que je joue la pièce. J’avais noté plein de choses. Ce n’était pas pour écrire un livre. Je voulais avec ces phrases pour alimenter les débats. Eviter qu’on me dise « dans votre pièce ce sont de vieux témoignages, ce n’est plus comme ça aujourd’hui».

Vous rappelez  que les petites phrases ne sont pas réservées aux hommes du XXI ème siècle ?

Je voulais montrer que le sexisme ne datait pas d’hier. Voltaire disait « les femmes ressemblent aux girouettes, elles se fixent quand elles se rouillent ». En réponse à un critique parlant de  la compositrice Germaine Tailleferre, Virginia Wolf exprime le sentiment général.  « Une femme qui compose est semblable a un chien qui marche sur les pattes de derrière, ce qu’il fait n’est pas bien fait, mais vous êtes surpris de le voir faire ».

 

Les femmes ressemblent aux girouettes, elles se fixent quand elles se rouillent – Voltaire

 

Bientôt le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, est-ce une journée nécessaire ?

Le 8 mars on doit parler des violences faites aux femmes dans le monde, de l’excision, du droit à l’avortement … Hors, j’ai vu récemment une marque de lingerie qui proposait une culotte offerte pour un soutien-gorge acheté ! On ne veut pas recevoir des fleurs ce jour là, les enjeux sont ailleurs. 7 femmes sur 10 dans le monde subissent des violences ! Je me souviens de Roselyne Bachelot venue me voir après le 8 mars. On lui avait livré au Ministère une composition florale en forme de guêpière avec des roses. Elle avait tout démonté et offert les fleurs à tous ses services. Malheureusement la pièce est presque plus d’actualité aujourd’hui qu’à sa création.

 

Une femme qui compose est semblable a un chien qui marche sur les pattes de derrière, ce qu’il fait n’est pas bien fait, mais vous êtes surpris de le voir faire

 

 

Les perles du sexisme
Les perles du sexisme
Propos recueillis par Sophie Dancourt – Photo ©DR

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