ONU : LA RÉSOLUTION SUR LE VIOL DE GUERRE AMOINDRIE PAR LES ETATS UNIS

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Amal Clooney, Nadia Murad et Denis Mukwege © Nations Unies-New-York Sexual violence in conflict Report of the Secretary-General on conflict-related sexual violence (S/2019/280) Letter dated 11 April 2019 from the Permanent Representative of Germany to the United Nations addressed to the Secretary-General (S/2019/313)

Les Etats-Unis, hostiles à la formulation évoquant les droits à l’avortement pour les victimes de viol de guerre ont amoindri la résolution sur la lutte contre les violences sexuelles. Une « consternation » pour la France.

La résolution de l’ONU portée par l’Allemagne était une étape importante pour lutter contre l’impunité des auteurs de crimes sexuels sur les zones de conflits. Mais les Etats-Unis ont refusé le passage d’une clause évoquant « les soins de santé notamment sexuelle et procréative » pour les victimes de violences sexuelles. Un vocabulaire portant reconnaissance du droit à l’avortement. C’est donc vidée de ses mentions essentielles que la résolution a finalement été adoptée par 13 voix et 2 abstentions (La Chine et la Russie). Céline Bardet, juriste internationale et fondatrice de l’ONG We are not Weapons Of War travaille avec les victimes de viol de guerre pour poursuivre les auteurs de ces crimes. Elle revient sur l’échec des Nations-Unies.

La position des Etats-Unis reflète avec constance leur politique intérieure anti avortement?

En juin 2018, les Etats-Unis on refusé de soutenir une résolution proposée par le Canada soutenant l’accès à l’avortement dans des conditions sanitaires sûres.  En Janvier dernier, Trump a interdit le financement d’ONG internationales soutenant l’avortement, reflet de l’idéologie politique des Etats-Unis au sein des Nations Unis. Nous savons que l’un des objectifs du viol de guerre sont les grossesses forcées. Cela a été le cas en Bosnie et ailleurs. Il est donc essentiel que l’accès à l avortement dans les situations de viol de guerre soit garanti et reflété dans tous les documents internationaux. La position américaine n’est pas nouvelle.

La question est de savoir si on doit continuer à accepter ces positions pour pouvoir adopter des résolutions ou n’est il pas temps de se positionner vraiment et de dire dans de telles conditions pas de résolution.

Cette position radicale n’est pas une surprise ?

Cela reflète la politique américaine conservatrice et la façon dont Trump l’impose au niveau international. Tout le monde le savait, cela a été discuté bien avant et c’est pour ça que je ne suis pas allée à New York. Tout ça est assez scandaleux parce que tout était su. La France se réveille sur la question du viol de guerre et parle de « consternation », ce que je partage, mais elle a voté la résolution selon les conditions américaines. Finalement il y a beaucoup de com dans tout ça. Et l’Allemagne qui a développé le programme « she decides » pour promouvoir le choix et le droit à l’avortement, propose cette même résolution et accepte de la voter amputée de la référence aux droits reproductifs et sexuels ! Nous ne pouvons pas nous permettre de reculer sur de telles sujets, c’est très grave.  

Nous déplorons que des menaces de veto aient été agitées par des membres permanents de ce Conseil pour contester 25 ans d’acquis en faveur des droits des femmes dans des situations de conflits armés

François Delattre – Ambassadeur de France à l’ONU

Est ce que cela va avoir des effets sur le terrain ?

Cela reste une résolution importante en ce qu’elle adresse particulièrement la question des enfants nés des viols, l’approche centrée autour des victimes et qu’elle évoque aussi la question des hommes victimes de viol de guerre. Mais qui ne change rien concernant les besoins financiers sur le terrain. WWOW ne bénéficie d’aucun financement français notamment pour développer dans plus de zones  le programme « Foster a Survivor »qui justement accompagne les enfants nés du viol et leurs mères. Par ailleurs nous développons le Back Up,[plateforme et application numériques destinées à signaler et à recueillir les témoignages sur les situations de viols de guerre également destiné à poursuivre les auteurs de ces crimes. N.D.L.R].

Je crois que le secteur privé devrait s’engager, j’aimerai que des femmes en particulier à la tête de grosses entreprises s’engagent et donnent 20 000 ou 50 000 euros

Nous avons reçu un premier soutien financier de l’Agence Française de Développement via sa direction de l’innovation et de la Fondation du Grand Duc et de la Grande Duchesse du Luxembourg. Mais ce n’est pas suffisant, pour mener à bien toutes ces actions nous avons encore besoin en 2019 de 300 000 €.  Je crois que le secteur privé devrait s’engager, j’aimerai que des femmes en particulier à la tête de grosses entreprises s’engagent et donnent 20 000 ou 50 000 euros là maintenant pour que nous puissions justement prouver que sur le terrain, nous ne nous arrêterons pas.  Nous avons des résultats très importants déjà avec quasiment aucun financement, nous soutenons les approches innovantes que Denis Mukwege avec lequel nous travaillons défend aussi fortement.  S’engager, c’est concret et en l’occurrence, il suffit d’aller sur notre site, de faire un virement bancaire ou de nous contacter. Ce que nous faisons est relayé dans les médias du monde entier ! Aujourd’hui WWoW  a juste besoin du soutien financier qui nous permettra de basculer ! 

Nous le devons à toutes ces femmes violées qui essaient juste de reprendre leur vie et d’exister ! 

Comment allez-vous poursuivre votre engagement ?

Je suis en pleine réflexion. Cela fait 4 ans que WWoW existe. On a entrepris énormément de choses, y compris en terme de visibilité. Nous avons porté la question du viol de guerre à la connaissance du public. mais je ne peux toujours pas salarier une petite équipe ! L ‘Agence Française du Développement (AFD) souhaite nous soutenir et je m’en réjouis. Nous avons dû mettre nos activités en veille pour pouvoir  lever des fonds. C’est regrettable et cela nous empêche d’avancer alors que les besoins sont immenses et surtout urgents. Malheureusement je pense qu’il faut être lauréate de prix internationaux pour parvenir à être reconnu. Je suis parallèlement en train de co- créer une agence d’expertise en sécurité et justice internationale afin de centraliser l’expertise qui existe en France et de positionner mieux la France en matière d’innovation juridique et de réflexions. C’est une agence qui met en avant aussi l’entrepreneuriat et l’expertise féminine car nous en avons et beaucoup ! 

Amal Clooney s’exprimant lors du @
UNdébat du Conseil de sécurité sur la violence sexuelle dans les conflits et doit adopter une résolution renforçant les sanctions contre les auteurs, la responsabilisation, la justice et les réparations pour les survivants. « C’est votre moment de Nuremberg. » 

Comment répondre à la politique de Trump ?

Nous allons lancer une contre offensive contre Trump justement ! Comme je le disais je met WWoW en veille pour vraiment s’occuper de cela et parvenir à créer une pérennité financière pour mon équipe. J’essaie d’obtenir un rendez-vous avec le Centre de Criseet Jean-Yves Le Drian. Mais je suis fatiguée parce que rien n’a de sens. Le viol de guerre est une des priorités aujourd’hui de la politique féministe française, je suis française WWoW ets basé à Paris ! Que dire de plus ?   Je suis sur le terrain. Je rentre de Guinée après 8 ans d enquêtes sur le massacre du stade de Conakry en 2009 ou 109 femmes ont été violées, certaines séquestrées et violées pendant des jours… Bref, l’ordonnance de renvoi ne retient qu’un cas de viol.

Le temps des constats est révolu. Nous savons ce qu’il faut faire, il faut simplement le faire … 

Il reste énormément de travail à faire, pour cela il faut la bonne expertise et des approches innovantes. Faire confiance aux petites structures qui travaillent sur le terrain et non pas continuer à concentrer l’argent en masse auprès des grosses ONGs qui font des rapports dont on connait déjà les contenus.  Le temps des missions courtes d’experts en business class et dans les hôtels 5 étoiles, des conférences et réunions qui coutent des millions d’Euros ou des formations totalement inefficaces ! doivent prendre fin. Il faut financer les experts de terrain, renforcer les capacités dans les pays concernés, renforcer les compétences des survivant.e.s aussi parce que ce sont celles et ceux qui permettront le changement dans leurs propres pays. Il faut aussi apprendre à écouter d’autres voix, considérer d’autres approches au lieu de répéter ce qui ne fonctionne pas. Il faut aussi réfléchir, prendre le temps de penser, de développer des actions basées sur des données sourcées et fiables et non pas des estimations sorties du chapeau ! Enfin il faut aussi   mesurer et évaluer ce que l’on fait. Tout cela aura des effets directs et impactants. Le temps des constats est révolu. Nous savons ce qu’il faut faire, il faut simplement le faire … 

Lire aussi : AVEC “BACKUP” CÉLINE BARDET VEUT ACCÉLÉRER LA JUSTICE POUR LES VICTIMES DE VIOLS DE GUERRE

UN HACKATHON AU PROFIT DE WWOW L’ONG QUI RÉPARE LES VICTIMES DE VIOL DE GUERRE

Propos recueillis par Sophie Dancourt

Comments · 1

  1. Je crois que cette résolution le DIH les droits de l’homme… Confrontés aux accord de MAPUTO qui autorise l’avortement. Pour des fins thérapeutiques ou médicales la RDC mon pays se trouvera en difficulté quant a la application de ces 4 instruments(DIH. DH et resolution et accord de MAPUTO.)

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