LES FEMMES ET L’ENGAGEMENT POLITIQUE : L’ADN D’ALEXANDRA LORIN GUINARD

Alexandra Lorin Guignard
Alexandra Lorin Guignard ©DR

Alexandra Lorin Guinard n’a jamais douté qu’elle aurait une vie politique. Une certitude qui vient d’une enfance où les repas dominicaux étaient prétexte à de vifs débats partisans. La cheffe d’entreprise de 36 ans brigue la mairie de Cabourg (Calvados) et revendique un engagement citoyen forgé par ses années passées auprès de Nathalie Kosciusko-Morizet. De son apprentissage dans les ministères à l’engagement municipal, l’ex Directrice Générale des Services de la station balnéaire se lance dans la bataille. Nous avons parlé de la place des femmes en politique, de la charge mentale et de l’énergie qui trancende les obstacles. Interview.

Comment la politique est entrée dans votre vie ?

Etudiante en droit, je suis allée au Centre d’Information et d’Orientation de l’Université et j’ai vu une annonce « cherche stagiaire à l’Assemblée Nationale ». J’aimais le droit public et constitutionnel, donc cela avait du sens de postuler. J’ai appris que j’allais travailler pour NKM qui était une jeune députée engagée sur la charte de  l’environnement. J’ai commencé par un stage de 6 mois, puis je l’ai suivie sur ses campagnes (présidentielle et pour la députation). Quand elle a été nommée ministre de l’écologie en 2007, elle m’a emmenée avec elle. 

Vous avez plongé très jeune dans la politique en occupant le poste de cheffe adjointe de cabinet ?

Je me suis retrouvée propulsée adjointe de cabinet extrêmement jeune à 24 ans dans un univers majoritairement masculin, plutot énarque, polytechnicien. Mon cursus universitaire n’était pas le plus percutant pour être à ce poste. Les 6 premiers mois ont été très difficiles. Je me suis battue. J’ai été habituée à une dose de travail de plus de 15 h par jour, donc plus de vie. J’ai coupé des liens difficiles à récupérer après. J’y suis restée un an et demi. Quand NKM a été nommée secrétaire d’Etat au numérique, elle m’a demandé de la suivre et j’ai choisi de finir mon cursus universitaire avec un DEA de droit de l’environnement. Ensuite j’ai pris la tête de son service juridique lorsqu’elle a été élue maire de Longjumeau.

Quand vous arrivez à 24 ans et qu’on vous dit vous allez être cheffe adjointe de cabinet vous ne savez pas en quoi consiste le métier.

Quels ont été les principaux obstacles ?

Quand à 24 ans on vous dit que vous allez être cheffe adjointe de cabinet vous ne savez pas en quoi cela consiste. J’ai eu la chance de travailler avec Marie Claire Daveu, directrice de cabinet qui avait fait ses études avec NKM et qui m’a appris aussi mon métier. J’ai été entourée, sans toutes ces personnes l’histoire n’aurait pas eu de sens. Vous êtes propulsée malgré vous. J’y suis allée mais je me demandais si j’étais à ma place.

Est ce que ces années ont forgé votre adn politique ?

Cela a commencé très tôt. J’avais une grand mère maternelle professeure d’histoire géographie, un père qui avait fait Sciences Po, professeur d’université. A table, il y avait la droite et la gauche et les débats du dimanche midi étaient plutôt animés ! J’ai eu la chance d’avoir au sein de ma famille une représentation très variée de la politique.

Qu’est-ce qui vous a poussé à revenir à la politique de proximité ?

J’ai passé le concours d’attachée territoriale et j’ai été trois ans Directrice Générale des Services de Cabourg, une ville que j’aimais depuis longtemps. C’était aussi une bonne opportunité pour développer le projet hôtelier (Les Jardins de Coppelia) que j’ai entrepris avec mon mari à quelques kilomètres de Honfleur.

Jeune cheffe d’entreprise avec des ambitions politiques est-ce un combo bien accepté ?

Ça perturbe encore ! On me dit « mais comment vous allez faire avec les enfants » ? Tout est une question d’organisation, on a ouvert l’hôtel il y a deux mois. Projet également critiqué car implanté sur une autre commune faute de pouvoir le réaliser à Cabourg. Je consacre 2 jours par semaine à la campagne et je suis sur les marchés le dimanche. 16% des maires sont des femmes. Il faut retenir ce chiffre. Même si on travaille considérablement les mentalités, la mise en pratique est différente. A Cabourg, 45,9% de la population a plus de 60 ans. La candidature d’une femme ouvre une période de rupture.

Une rupture qui a démarré lorsque vous avez quitté votre poste de DGS de la ville de Cabourg ?

Je suis partie pour opinion divergeante avec l’équipe de Tristan Duval (maire actuel). Nous avions des désaccords sur la gestion d’un certain nombre de projets. Et quand j’ai vu les proportions que cela prenaient j’ai préféré partir, pour rester en accord avec mes valeurs.

La condamnation du maire sortant pour violence sur conjoint a-t-elle eu un impact sur votre décision ?

C’est arrivé après la condamnation de Tristan Duval. J’ai connu des moments compliqués lorsqu’est arrivée cette affaire. C’est un homme qui a toujours été respectueux vis-à-vis de moi. On a travaillé en bonne intelligence. Je ne souhaite pas mettre en avant cet aspect dans ma campagne. Je me bats dans l’objectif d’un programme et je ne veux pas m’écarter du débat politique pour victimiser davantage celui qui est ciblé.

La rupture est présente également dans votre programme ?

L’environnement n’est pas défendu aujourd’hui. Je trouve qu’on laisse tomber beaucoup de sujets de proximité au détriment d’une politique tournée vers l’évenementiel. Il faut davantage s’intéresser à la politique de l’emploi sur ce territoire. Je propose la création d’une pépinière d’entreprises et la mise en place d’une bourse de saisonniers. Nous sommes une ville de bord de mer et les mobilités douces ne sont pas du tout prises en compte.

Toutes ces femmes qui se lancent se sont retroussées les manches, encore plus avant que maintenant. Aujourd’hui on conçoit la parité et toutes les femmes que j’ai été cherchées ont une compétence (…) Je constate une nuance de genre dans l’engagement. Les femmes souvent me disent « mais je sais pas si avec mon boulot je vais pouvoir y arriver’. Le sens de l’engagement chez les femmes est extrêmement fort.

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Vous avez une vision très participative de l’engagement politique ?

Monter une liste c’est une alchimie très particulière, un regard qu’on doit avoir sur une ville, ses habitants. Il faut que chacun se retrouve à un moment donné dans un membre de cette liste. Je souhaite être dans un nouveau mode de gouvernance où chaque conseiller apportera une plus value en terme d’expertise. Je suis inscrite dans cette dynamique de participation.

Vous dites que NKM a été votre mentor, qu’est-ce qu’elle vous a appris ?

Elle m’a appris sur la subtilité politique. Tout est question d’anticipation, et non d’immédiateté. Aujourd’hui avec les réseaux sociaux on est partout, je ne suis pas une femme de réseaux sociaux, j’ai du mal à l’être et pourtant c’est mon époque et ma génération. Le danger est de manquer de recul et d’analyse. Convaincre c’est aussi dans l’attitude, je crois au face à face et c’est pour ça que j’ai créé des ateliers citoyens. 

Votre mantra ?

Mon père me disait : « si tu arrives à donner un jour ce que les autres t’ont donné alors c’est réussi ». Je n’oublie pas.

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