GRETA THUNBERG ET L’ANCIEN MONDE

Greta Thunberg
Greta Thunberg @Wiki Commons

A l’invitation de membres du collectif pour le climat « Accélérons », la jeune activiste suédoise de 16 ans s’exprime aujourd’hui à l’Assemblée Nationale. Avant même de l’entendre sur le fond, des élus de droite s’élèvent contre sa présence. Mépris et disqualification de la parole de l’adolescente pour une caste politique déconnectée.

« Prophétesse en culottes courtes », « gourous apocalyptiques » et « jeune activiste totalement sous emprise » émaillent depuis plusieurs jours le discours de certains élus de droite. Un vocabulaire qui marque par son mépris et révèle en creux l’échec d’une certaine classe politique à ignorer les enjeux climatiques. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Et peu importe le messager. Depuis des années, les rapports du GIEC peu lus par les politiques alertent sur le réchauffement de la planète, les accords de Paris sont malmenés, et les climato sceptiques rangent au rayon des fake news les faits scientifiques.

Devant la faillite des politiques à mettre en œuvre une politique d’urgence, la parole de Greta Thunberg dérange. Une militante de 16 ans, autiste asperger, réveille l’action citoyenne et la promeut comme vecteur de changement. Inadmissible pour des politiques confits dans un lien vertical au pouvoir qui les rend uniques détenteurs de la légitimité de la parole. L’activiste est alors niée dans son rôle et devient « une enfant de 16 ans », un anachronisme dans une société où la majorité sexuelle est fixée à 15 ans. Un âge somme toute où l’obéissance à l’autorité supérieure, en premier lieu, les parents, resterait dans l’ordre d’une hiérarchie naturelle.

« La dictature de l’émotion »

Pourtant relier l’autorité du discours à une échelle de valeur fondée sur les générations ne tient plus. La société civile s’organise comme contre pouvoir et les lanceurs d’alerte s’en font l’écho quel que soit leur âge. Greta Thunberg porte une parole que l’euro député Jordan Bardella qualifie de « dictature de l’émotion permanente (…) nouvelle forme de totalitarisme ». Son choix de ne plus aller à l’école le vendredi pour manifester suscite l’opprobre. « La petite réserve » de Marlène Schiappa sur la déscolarisation de l’adolescente (uniquement le vendredi pour manifester) contribue à la renvoyer à son statut d’enfant. Comme si cela condamnait sa parole et sa légitimité de citoyenne.

IL existe trois fondements de la légitimité. Tout d’abord l’autorité de « l’éternel hier » … En second lieu, l’autorité fondée sur la grâce personnelle et extraordinaire d’un individu (charisme) … Il y a enfin l’autorité qui s’impose en vertu de la « légalité »…

Max Weber, Le savant et le politique (1919)

La maison brûle toujours

Lors du 4ème sommet de la terre à Johannesburg en 2002, Jacques Chirac lance : « Notre maison brûle, nous regardons ailleurs ». Un même constat repris par une génération qui refuse la passivité de ses aînés face aux urgences climatiques. A l’appel du mouvement « Youth for climate » (la jeunesse pour le climat), des milliers de jeunes ont manifesté en Belgique en début d’année pour réclamer des mesures écologiques fortes. « L’Assemblée, c’est un lieu de débat. Si Greta Thunberg avait 30 ans de plus, personne ne mettrait en cause sa légitimité à y intervenir » a twitté le 22 juillet Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Il serait plus que temps de s’intéresser au fond du discours. Il n’y aura surement rien de nouveau aujourd’hui à l’Assemblée. Mais répéter que ce que les experts s’époumonent à dire, études à l’appui, n’est pas vain. La jeune suédoise prendra la parole accompagnée entourée de Valérie Masson-Delmotte, vice-présidente du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), et de quatre lycéens membres du mouvement Youth for climate.

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