FÉMINISME : L’EXCEPTION FRANÇAISE

catherine-deneuve et le féminisme : une exception française

La tribune signée dans le Monde le 9 janvier par 100 femmes pour dénoncer le mouvement #balancetonporc n’en finit pas de semer le trouble et la colère. Parmi les signataires la comédienne Catherine Deneuve, l’ex star du porno Brigitte Lahaye et la directrice de la rédaction de Causeur Elisabeth Lévy craignent le retour d’un puritanisme de mauvaise aloi. Elles défendent « une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle ». A contre courant du mouvement libérateur de la parole post Weinstein, les signataires du texte affichent une peur, celle de la perte de leur identité façonnée dans une culture patriarcale. Et ignorent le monde tel que le vivent les femmes aujourd’hui comme en témoigne la réponse de la militante Caroline de Hass  publiée sur le site de France Info.

La défense du droit des femmes n’est pas uniforme. En reconnaissant que le viol est un crime mais …, la tribune polémique rend compte d’un conflit générationnel emprunt de cultures sociétales irréconciliables. Les militantes du MLF caricaturées comme des hystériques par une société confite dans le patriarcat rassurent la bourgeoisie des années 70. Ce n’est pas leur combat. Dans sa contre tribune Caroline de Hass souligne à quel point la méconnaissance de la réalité des violences subies par les femmes est le vestige d’une société en train de basculer. « Beaucoup d’entre elles sont souvent promptes à dénoncer le sexisme quand il émane des hommes des quartiers populaires. Mais la main au cul, quand elle est exercée par des hommes de leur milieu, relève selon elles du droit d’importuner« . De la même manière, le soutien de Catherine Deneuve à Roman Polanski lors de son éviction de la présidence des « César » procède d’un aveuglement protecteur. « Le féminisme fait peur, car il bouscule les manières de penser, de vivre, de s’exprimer, et interroge les schémas « genrés » qui fabriquent nos identités » explique Christine Barde, historienne du féminisme dans une interview au Monde.

 

Le sens des mots et le poids de la culture

Revenir au sens des mots est essentiel dans une polémique. Le Centre National des Ressources Textuelles et Lexicale donne une définition. On peut  Importuner une femme de ses assiduités, de son amour, de ses caresses ». L‘ennuyer en la poursuivant de ses assiduités. Catherine et ses consoeurs brandissent un étendard sur lequel est brodé « nous ne sommes pas des êtres à part, des enfants à visage d’adulte réclamant d’être protégées ». Les femmes victimes de harcèlement et de viol ne demandent pas la protection du seigneur du château. Elles demandent à être (enfin) entendues et obtenir justice. Arguer que les hastags #balancetonporc et #metoo relèvent d’un règlement de compte médiatique et dangereux ne tient pas. Seuls les tribunaux sont compétents. Là où la culture française voit de la délation les anglo-saxons parlent de la naissance d’une sororité. The Atlantic cité par Courrier International note : dans les pays anglo-saxons, pour bon nombre de femmes, le fait de ne pas être seule est source de réconfort et le fait de s’exprimer fait naître un sentiment de solidarité. En France, l’idée est que si vous donnez des noms, vous avez plus de chances d’être accusée de ‘collabo’ ou de ‘traître’.”

 

Dans un pays dont la culture et la littérature se caractérisent depuis des siècles par le libertinage, la galanterie et la liberté sexuelle, et qui a produit des auteurs comme le marquis de Sade ou le philosophe Michel Foucault, la police du puritanisme – pour qui toute tentative de drague un peu lourde est assimilable à un crime – ne pouvait pas œuvrer longtemps sans susciter de résistance. Die Welt cité par Courrier International

 

Dire non est la limite

La tribune met à mal la notion de solidarité féminine. Comme si elle allait de soi. Il y a depuis 40 ans des courants féministes qui s’opposent et s’expriment. Avec l’idée que les violences faites aux femmes transcendent les clivages, le puritanisme dénoncé par le collectif provoque un choc. Non la France n’est pas les Etats-Unis et aucune femme ne peut confondre une drague lourdingue avec une agression sexuelle. Oui on peut encore parler aux hommes sans qu’ils soient accompagnés de leurs avocats. Oui défendre un féminisme actif n’est pas synonyme de « haine des hommes ». Redonner de la puissance au mot « non » est tout l’enjeu de ce débat qui sidère autant qu’il apparait inévitable. Reconstituer les bases de la société ne se fait pas sans remous. Et imaginer que la guerre entre les sexes est déclarée est sans objet. N’en déplaise à Nadine Morano et Christine Boutin qui confondent sans retenue grivoiserie et harcèlement avec les prémices d’une histoire d’amour.

 

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