« DROIT DIRECT » LA PLATEFORME QUI ACCOMPAGNE JURIDIQUEMENT LES VICTIMES DE VIOLENCES CONJUGALES

violences conjugales
illustration © Pexels

Créée en 2017 dans le sillage de l’association Droits d’urgence, la plateforme numérique Droit Direct réunit des juristes et avocats pour accompagner les femmes victimes de violences conjugales. Une expertise renforcée par la création d’un réseau de professionnels. J’ai Piscine Avec Simone a échangé avec Sandrine Gintzburger en charge de la communication et du mécénat de l’association.

Comment est née cette plateforme ?

Droit Direct est hébergée par Droit D’Urgence, une association fondée en 1995 et créée pour lutter contre l’exclusion. Le droit étant une question fondamentale et complexe, l’idée était de faire aller le droit vers les plus démunis. Donc ce sont vraiment des avocats qui sont sur le terrain, qui vont dans la rue, à la rencontre des SDF. Puis petit à petit des permanences juridiques gratuites ont été constituées à Paris. Et c’est ainsi que les avocats et juristes ont rencontré beaucoup de femmes victimes de violences conjugales. Forts de ce constat, on a développé une expertise dans l’accompagnement de ce type de violences.

Quelle est la spécificité de Droit Direct ?

Nous sommes le seul acteur qui diffuse du contenu rédigé par des juristes et avocats sur les droits qu’ont les femmes victimes de violence conjugales. Il faut savoir qu’il y a des droits et des aides spécifiques. Et malheureusement, lorsque des femmes contactent un avocat et décident de divorcer, on constate qu’ils ne sont pas formés aux violences conjugales et font souvent des erreurs. J’ai l’exemple récent d’une australienne qui a divorcé d’un français et qui a dû quitter l’héxagone parce qu’en cas de divorce vous ne pouvez plus rester sur le territoire français sauf si vous êtes victimes de violence conjugales. La loi prévoit des spécificités.

Comment appréhendez vous tous les aspects de ces violences ?

C’est un sujet complexe. Une femme victime de violences est confrontée à de multiple problématiques, d’ordre économique, psychologiques, médicales, juridiques et puis à des questions du genre : quelles sont mes ressources, quand partir, que faire de mes enfants, souvent dans l’urgence. Si vous êtes victimes de violence conjugales, vous ne pouvez pas partir de chez vous et laisser vos enfants, il y a des démarches à faire pour être accueillis dans les centres d’hébergement. Il faut passer par la case commissariat pour signaler que vous partez parce que vous êtes victimes de victimes conjugales, et là se pose la question de plainte ou main courante, si je porte plainte, comment constituer le récit des actes, comment me faire accompagner. Il y a beaucoup de questions qui se posent à chaque étape sur le plan juridique pour aider les victimes de victimes conjugales, c’est un ensemble de professionnels qui est alors nécessaire.

Contrairement aux idées reçues il n’y a pas un type de femme victime de violences conjugales ?

Un de nos combats est la lutte contre les stéréotypes. Toute femme de tout milieu, de tout âge peut être victime de violences conjugales. L’emprise commence dès le premier rendez vous. Il est très facile de rentrer dans l’emprise. Le passage à l’acte se passe souvent à la naissance d’un enfant, au moment où la femme souhaite partir. Le nombre de féminicides a diminué pendant le confinement parce que les victimes étaient en constante présence avec leurs bourreaux et donc il y a eu moins de passage à l’acte liés à la jalousie. Mais les nombres sur la maltraitance des femmes et des enfants ont explosé.

On voit des femmes qui sont dans des milieux plutôt aisés et pourtant c’est très difficile pour elles de partir, voire parfois plus difficile parce que la famille pense que c’est une phase, fait référence à la “bonne situation” et aux enfants, que le mari ne veut pas que la femme travaille… Ces femmes n’ont pas envie de se retrouver en centre d’hébergement. Or s’il y avait des fonds à la CAF pour aider à gérer la transition, celle-ci se ferait beaucoup plus facilement.

Comment travaillez-vous ?

Nous sommes la seule association reconnue aujourd’hui qui gère les victimes et la partie juridique. Nous avons construit un réseau de professionnels et avons des partenariats avec des associations qui gèrent le 3919. Les professionnels avec qui nous travaillons sont bénévoles, nous faisons de l’accompagnement juridique gratuit. Mais on ne peut pas tout absorber non plus toutes les demandes avec 300 bénévoles et 50 salariés. Nous accompagnons les femmes jusque devant le juge. Nous avons un réseau d’avocats qui s’occupe de l’aide juridictionnelle, et quand les femmes ont les moyens de payer, on a des partenariats avec des avocats formés aux violences conjugales et qui proposent des tarifs particuliers.

Combien de femmes avez-vous accompagnées depuis la création de cette association ?

Environ 10 000 femmes avec ce focus, les femmes qui sont les plus touchées sont les moins de 35 ans et les plus de 50 ans.

On cite beaucoup l’Espagne quant aux violences faites aux femmes, comment vous en inspirez vous ?

Ce qui fonctionne c’est toute la prévention et les bracelets qui ont permis d’avoir de bons chiffres. Le Grenelle a impulsé beaucoup de communication et de sensibilisation auprès du grand public et plutôt sur les dispositifs qui sont mis en place aujourd’hui. Mais il n’y a pas assez de communication sur la normalité d’une relation et l’Espagne a fait beaucoup de communication en ce sens.

Pensez vous qu’il y a un défaut de volonté politique aujourd’hui en France sur la lutte contre les violences conjugales ?

J’essaie de rester positive. Les téléphones grave danger c’est très bien mais un mari peut le trouver, le cacher, s’il n’y a pas de réseau ça ne fonctionne pas. Le mari violent va se débrouiller pour que vous n’ayez pas accès à ce téléphone donc pour moi c’est assez inefficace. En revanche, les bracelets pour les femmes peuvent être une solution. Mais ce qu’il faut vraiment, c’est plus de prévention et d’aides financières pour les femmes victimes de violences conjugales parce qu’on sait qu’elles ont tout perdu et qu’il y a une exclusion sociale vis-à-vis des amis et de la famille. Il y a également tous les stéréotypes qui en découlent (oh si elle reste depuis tout ce temps c’est qu’elle doit aimer ça). Pour moi c’est vraiment l’aide financière qui est essentielle.

Quels sont les prochains objectifs de l’association ?

C’est un sujet de santé publique qui est aujourd’hui géré par les associations. Les subventions publiques n’augmentent pas du tout et on ne peut pas absorber plus que le nombre de salariés. Moi je viens du privé, et dans les associations ce sont des gens dévoués et heureusement qu’ils sont là parce que sinon, je ne sais pas comment le sujet serait traité. Aujourd’hui il y a très peu de moyens et notre objectif cette année, c’est de beaucoup plus accompagner. On ne va pas beaucoup plus communiquer car on veut surtout continuer à former le terrain et mettre en place des outils de communication pour les professionnels.

Avez vous besoin de personnel bénévole supplémentaire ?

Oui, sur tout ce qui touche à la communication, au graphisme, aux réseaux sociaux etc.

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