#CONTRIBUTION : « ON M’A FAIT COMPRENDRE QUE J’ÉTAIS UNE FILLE »

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Chjara Benedetti est une adolescente de 16 ans. Elève de seconde au lycée Gerville Réache de Guadeloupe, elle nous a fait parvenir une lettre ouverte intitulée Sexisme. Nous publions ce texte engagé, car son regard sur cette discrimination transcende les générations.

Parmi les nombreux sujets concernant les inégalités qui m’entourent, celui du sexisme me touche particulièrement. Est-ce à cause de mon éducation, du fait que je sois moi-même une fille ou de mes valeurs ? Je ne saurai le dire. Je suis passionnée par l’art (le cinéma et le théâtre plus précisément), qui pour moi, exprime plus et mieux que quoi que ce soit d’autre, ce que nous ressentons. Pour moi un engagement est nourri de la même passion qu’un amour, je me sens concernée, je souhaite être engagée, et il me semble de mon devoir d’en faire part.

La supériorité du « mâle », une mauvaise blague

C’est étrange les genres lorsque j’y pense. je comprends l’explication biologique sur la différence des corps, après tout la survie de notre espèce dépend de l’union de deux êtres. La science me semble rationnelle et logique, mais la mentalité de nos sociétés m’échappe. Qu’il y ait plusieurs milliers d’années, les « mâles » se soient considérés plus forts, plus intelligents (en d’autres termes tout simplement « mieux ») que les « femelles », le fait qu’ils se soient par conséquent sentis légitimement supérieurs à elles, ressemble à une mauvaise blague. Mais la réalité n’est pas comique. L’est-elle ?

Ou une grande farce

Concentrons nous sur la mauvaise blague : une sorte de caméra cachée, de « prank » (canular au dépens de quelqu’un), ou même une mise en scène. Essayons d’imaginer pendant une fraction de seconde que tout ceci ne fut qu’une grande farce. La servitude féminine n’est que le simple gage d’un pari perdu, le rabaissement social, la plaisanterie amusante d’un groupe d’amis qui rigolent, le mariage forcé, la conséquence du dragueur lourd mais gentil de la bande, le viol, un jeu de mains sans conséquences, les violences conjugales, une claque amicale dans le dos, l’exclusion de l’éducation, un complot enfantin innocent, l’excision, un bizutage et le sexisme une affaire de point de vue ! Canular !

Les droits de la femme, de la science fiction à la réalité

J’ai parfois espéré que les mentalités soient différentes. Mais la réalité m’a rattrapée. Finalement la tortue n’a pas gagné la course, le lièvre courait trop vite et le chemin était plus court qu’on le croyait. Enfant, je ne voyais pas la différence. J’avais entendu parler des problèmes que rencontraient quotidiennement les femmes dans le monde. Mais ces rumeurs n’étaient que science fiction, un écho lointain que je connaissais mais ne comprenais pas. Les enfants ne voient pas de différences, parfois ils n’en cherchent tout simplement pas. Puis, nous avons grandi et avons découvert la vision des adultes, ou plutôt celle que la société nous a imposée.

Moi qui pensais être quelqu’un …

Je connaissais les tortures mentales et physiques que beaucoup subissent, mais je n’avais jusqu’alors jamais pensé aux conséquences qu’ont ces actes. J’ai découvert la crainte, la colère, le mensonge, la peur, l’abandon, la honte, le suicide, la mort et le fait que tout ceci soit normal, ainsi que commun. J’ai voulu donner mon avis, dire ce que je pensais, exprimer ma surprise. Mais on m’a pris de haut. On m’a parlé pour m’apprendre à accepter que c’est la vie, qu’elle n’est facile pour personne mais que c’est comme ça ! On m’a fait comprendre que j’étais dans cette case, que j’en faisais partie. C’était choquant de passer de spectatrice à actrice de cette réalité. Moi qui pensais être quelqu’un on m’a fait comprendre que j’étais une fille !

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